Les traites et les aides regroupent des impôts indirects de nature diverse dont le mode de perception – et donc les producteurs d’archives – varie dans le temps. Selon les périodes, leur perception est confiée en ferme ou en régie1 à différents acteurs, qu’il s’agisse de particuliers ou de compagnies. Ils alimentent principalement les revenus du roi mais également, dans le cas des impôts sur les boissons appelés « devoirs »2, ceux des États de Bretagne.
NATURE DES DROITS
Aides et droits joints
Après avoir désigné au XIVe siècle tout type d’impôt, le terme d’« aide » finit par se spécialiser et désigne des taxes sur les denrées et les boissons. En Bretagne, la principale taxe sur les boissons est celle des devoirs, perçue par les États et souvent jointe à d’autres droits comme ceux de jaugeage, de courtage, d’impôts et billots ou d’inspecteurs aux boissons et aux boucheries2. À cela s’ajoutent des droits sur les denrées de natures très diverses comme les droits sur les cuirs et peaux, sur l’amidon, sur les papiers et cartons, sur les cartes, sur les huiles, sur les marques et contrôle des ouvrages d’or et d’argent ou encore sur les octrois.
Traites et droits joints
Les traites désignent des droits de douanes qui, inspirés par des idées purement fiscales, sont levés à l’entrée et à la sortie des marchandises, aussi bien aux frontières de certaines provinces intérieures qu’aux frontières du royaume. La géographie des traites comprend en effet trois types de provinces : celles appartenant aux « Cinq grosses fermes » (dites aussi provinces de « l’Étendue »), qui commercent librement entre elles (sauf péages et droits locaux) tandis que des droits de traites sont perçus à leur limite extérieure ; les provinces dites « à l’instar de l’étranger effectif », qui commercent librement avec l’étranger mais sont soumises aux droits de douanes pour entrer dans le reste de la France ou en sortir ; les « provinces réputées étrangères », qui sont soumises à des droits de sortie et d’entrée dans leur relation avec l’« Étendue », entre elles et avec « l’étranger effectif ». La Bretagne fait partie de ces « provinces réputées étrangères ». D’après les éléments tirés par Armand Rébillon d’un mémoire de 17653, les principaux droits de traites payés en Bretagne sont alors les suivants :
- les droits locaux, qui sont des droits d’entrée, de sortie et de navigation datant de la période ducale (droits de ports et hâvres, droits de brieux, droits de la prévôté de Nantes).
- les droits uniformes, datant pour la plupart de l’administration de Colbert (droit de 20 % sur les marchandises du Levant, droits sur l’étain, droit de fret de 50 sous par tonneau, droits de la ferme des huiles).
- la traite domaniale instituée sur les marchandises sortant de Bretagne.
Selon les époques, différents droits sont joints aux traites, en particulier le monopole sur la fabrication et la vente du tabac, instauré en 1674 et 1681. Bien que ne faisant pas partie des traites, les droits sur le tabac sont le plus souvent affermés avec elles.
MODES DE RECOUVREMENT
Le système de la ferme, qui a l'avantage de décharger l’autorité des soucis de perception, de fournir des recettes rapides et prévisibles et de faire écran entre l'autorité et les contribuables, est longtemps privilégié pour la perception des aides et des traites. Il s'agit dans un premier temps de multiples fermes particulières – plusieurs centaines dans la première moitié du XVIIe siècle. Leur dispersion étant jugée défavorable au public et à la bonne gestion des finances, ces fermes ont tendance à être regroupées dès la deuxième moitié du XVIIe : Colbert réunit ainsi en 1669 certains baux importants sous le nom de « Fermes unies » devenues en 1680 « Ferme générale » et constituées de façon durable à partir de 1726. Tous les six ans, le bail de la ferme est adjugé à un particulier pour lequel une quarantaine de financiers, connus sous le nom de « fermiers généraux », se porte caution. Ce sont ces financiers qui dirigent la compagnie, société de commerce et corps privilégié qui perçoit la quasi-totalité des impôts indirects du royaume – traites, aides mais aussi droits domaniaux – à l'aide d'une trentaine de milliers d'employés. Quelques droits échappent cependant à la Ferme générale de façon permanente, en particulier les devoirs et droits joints, que les États de Bretagne afferment à des compagnies fermières par adjudication de deux ans. D'autres échappent à la Ferme générale par intermittence, comme le monopole des tabacs qui, entre 1718 et 1747, est perçu par la Compagnie des Indes.
Très impopulaire, le système de la Ferme générale est progressivement délaissé dans les dernières années du XVIIIe siècle au profit de la régie. Lors de la préparation du bail de 1774, plusieurs petits impôts indirects sont ainsi retirés à la Ferme générale et donnés à la régie des droits réunis ainsi qu'à plusieurs régies particulières. Certaines de ces régies sont ensuite regroupées à partir du 1er octobre 1777 dans une Régie générale. Le , initié par Necker, vient confirmer cette tendance : outre les droits domaniaux désormais confiés à l'administration générale des Domaines, la Ferme générale perd la perception des aides et droits joints, qui échoit à la toute nouvelle régie générale des Aides et Droits joints, confiée à 25 – puis 28 – régisseurs généraux. La Ferme générale ne conserve donc que la perception des traites et droits joints. Cette organisation persiste jusqu'à la Révolution.